Arrivés au monde en pleurant, nous sommes nus, dénudés et dénués de toute identité ou appartenance filiale, communautaire, religieuse, régionale, culturelle…etc. Les mots n’ont pas encore traversés la chaire en offrant une identité et une personnalité.

Un être nouvellement crée, infecté par aucun virus linguistique. Un être où les émotions débordent de partout sans retenus, répondant à la demande de la vie sans négociation et sans dégout, avec joie et émerveillement. Les étiquettes qui serviront à établir notre être, notre personnalité commencent à se coller en nous. Nous avons un prénom, nous avons un nom pour marquer notre apparence filiale, nous avons une religion pour marquer notre appartenance communautaire où sectaire, nous avons une culture et un environnement externe pour marquer notre appartenance régionale. Plus nous avançons et plus il y’aura plus d’étiquettes qui viendront se coller à nous, consciemment où inconsciemment.

Notre livre interne rempli de pages blanches commence à se remplir et se noircir. Aucune protection, il est ouvert perpétuellement, et tout ce qui entre dedans ne pourra s’effacer et participera à la construction de notre être et conditionnera toute notre personnalité une fois adulte. Les critiques, les défauts des autres deviennent les nôtres. Les préférences et les soucis de nos parents deviennent les nôtres aussi. Les convictions partagées par les religieux deviennent nos convictions à nous. Nous remplissons petit à petit le livre, en fabriquant une personnalité illusoire qui s’éloigne de plus en plus de notre véritable être, et notre essence pure qui nous a été donné à notre naissance. Les étiquettes deviendront alors des barrières qui étoufferont notre humanité et notre ouverture à l’autre, et nous construisons des frontières qui délimiteront l’esprit en rejetant tout ce qui diffère à notre livre intérieur (différence de culture, d’ethnie, religion, appartenance régionale…etc). Nous n’accordons de visas sauf à ceux qui nous ressemblent. La haine, le racisme prendront naissance et corrompent petit à petit notre cœur et empêchent notre ouverture au monde et à l’universalité de nos valeurs.

Mais qui sommes nous réellement en dehors de tout ces noms, ces mots, ces phrases, ces définitions. A-t-on déjà prit un temps de méditation profonde et un voyage aux profondeurs pour explorer et lire tout ce livre qui a été écrit par une autre personne que nous-mêmes ? A-t-on découvert notre « réel-moi » qu’est-ce que ce « moi » d’ailleurs, est-il un prénom ? un nom ? Une religion ? les frontières d’un pays ? Non, je ne suis ni Mohamed, ni Khaled, ni Fatima, ni Musulman, ni Arabe, ni Juif, ni Kabyle, ni rien de tout cela. Ces noms, c’est vous qui me l’avaient attribués pour réduire mon réel moi, qui est infiniment plus grand et plus majestueux que tous ces noms. Mon moi c’est le secret des cieux et de la terre, c’est l’âme éternelle qui transporte les meilleures valeurs qui embrassent toute l’humanité peu importe d’où ils viennent. Mon moi il est éternel, mon moi est Dieu, il est amour. Tous ces mots disparaitront. Vous pourrez alors implorer mon nom à Dieu et pleurer. Mais mon réel moi est éternel et ne mourra jamais.

Les mots construisent notre personnalité, mais emprisonnent nos émotions. Les mots donnent un sens aux choses, mais les réduisent aussi. Les mots étouffent notre humanité, et nous rend fermés aux autres. Les mots empêchent le cœur de s’exprimer totalement, et le déraisonnent. Les mots construisent notre livre intérieur, mais deviennent plus tard nos plus grands maux. Sommes nous réellement ce que nous sommes ?

Yanis Harous