Poussières d’itinérances – Badr’Eddine Mili
800,00 د.ج
Sans la Révolution ‘‘Le Petit Chose’’, la toise à laquelle l’ordre des colons l’avait mesuré, n’aurait jamais eu le privilège de rencontrer et de connaître autant de femmes et d’hommes valeureux.
Il n’aurait jamais eu la chance de parcourir le monde et de ramener, chez lui, autant de morceaux de planète ramassés au pied du Kilimandjaro et du Mont-Blanc, sur les rives de l’océan Indien, de la mer Rouge et de la mer Morte, au bord du Tigre, de l’Euphrate et du Saint-Laurent, le long des allées de Babylone, de Sarajevo, de Marrakech, de Damas et de Baghdad, dans la lointaine Dalmatie, sur les remparts de Dubrovnik, sur les berges du lac Victoria, sur les piétonnières de Bruxelles, d’Anvers, de Londres et de Rome, au partage des eaux de la Sorgue… portant la bonne parole du pays profond et devisant, avec des rencontres de passage, sur Lévi-Strauss, Tim Burton, Brink, Günter Grass et Marivaux pour qui ‘‘toutes les âmes ont le même âge’’… B.Mili
Badr’Eddine Mili a visité, en 40 ans, une trentaine de pays et une cinquantaine de capitales et de villes importantes. Son exploration du monde l’a placé sur l’orbite d’une galaxie où il a vérifié que le voyage est la réalisation, sinon le prolongement, d’un rêve qui débouche toujours sur le savoir.
Dans cet ouvrage, il a choisi de ne raconter que les voyages qui présentaient un intérêt en rapport avec la période, la durée, la portée culturelle et esthétique, les rencontres et la dimension politique concernées.
Poussières d’itinérances est un mix de descriptions touristiques et d’analyses politiques d’évènements s’étant déroulés concomitamment, à mi-chemin entre un récit de voyage classique et un compte rendu, original, de missions professionnelles, avec une synthèse des genres qu’on ne trouverait dans nulle autre œuvre.
Résumé :
Sans la Révolution ‘‘Le Petit Chose’’, la toise à laquelle l’ordre des colons l’avait mesuré, n’aurait jamais eu le privilège de rencontrer et de connaître autant de femmes et d’hommes valeureux.
Il n’aurait jamais eu la chance de parcourir le monde et de ramener, chez lui, autant de morceaux de planète ramassés au pied du Kilimandjaro et du Mont-Blanc, sur les rives de l’océan Indien, de la mer Rouge et de la mer Morte, au bord du Tigre, de l’Euphrate et du Saint-Laurent, le long des allées de Babylone, de Sarajevo, de Marrakech, de Damas et de Baghdad, dans la lointaine Dalmatie, sur les remparts de Dubrovnik, sur les berges du lac Victoria, sur les piétonnières de Bruxelles, d’Anvers, de Londres et de Rome, au partage des eaux de la Sorgue… portant la bonne parole du pays profond et devisant, avec des rencontres de passage, sur Lévi-Strauss, Tim Burton, Brink, Günter Grass et Marivaux pour qui ‘‘toutes les âmes ont le même âge’’… B.Mili
Badr’Eddine Mili a visité, en 40 ans, une trentaine de pays et une cinquantaine de capitales et de villes importantes. Son exploration du monde l’a placé sur l’orbite d’une galaxie où il a vérifié que le voyage est la réalisation, sinon le prolongement, d’un rêve qui débouche toujours sur le savoir.
Dans cet ouvrage, il a choisi de ne raconter que les voyages qui présentaient un intérêt en rapport avec la période, la durée, la portée culturelle et esthétique, les rencontres et la dimension politique concernées.
Poussières d’itinérances est un mix de descriptions touristiques et d’analyses politiques d’évènements s’étant déroulés concomitamment, à mi-chemin entre un récit de voyage classique et un compte rendu, original, de missions professionnelles, avec une synthèse des genres qu’on ne trouverait dans nulle autre œuvre.
Bio-express :
Né à Constantine, Badr’Eddine Mili est romancier et auteur politique. Après des études en sciences politiques, en droit et en sociologie entamées dès l’indépendance à l’Université d’Alger, il mène une longue carrière dans les médias et au sein de l’État.
Extrait :
Prologue :
De ces circonvolutions autour du nombril du monde, il revint avec des impressions, des sensations et des images fabuleuses, parfois métaphysiques dont celles de ces paysans yougoslaves courbés sous le poids d’un destin implacable, aperçus, en coup de vent, s’échinant à maintenir en vie, sans trop y croire, les terres craquelées d’un Monténégro dépeuplé.
« Les reverrai-je, un jour ? » Le genre de questions qui l’a toujours travaillé, depuis les cours de philosophie de Brianti sur la prédestination, le hasard, l’absurde, et le sens de la vie…
Une interrogation sur laquelle il embrayait avec une autre plus onirique : « Où récupérer l’enfant que je fus et que je perdis, sans m’en apercevoir ? Ramenez-le-moi, ne serait-ce qu’un jour, que je le reprenne par la main et le remette sur la route dont il n’aurait pas dû dévier… Où goûter, de nouveau, à l’indicible saveur de la première gorgée de lait, de la première bouchée de pain, de la première coulée de miel ? Où revisiter l’innocence des premiers rires, la brûlure des premières amours, la palpitation des premières éclosions de roses, l’apparition du fil blanc de la première aurore et la musique printanière des premières noces d’oiseaux ? »*.
Je me souviens avoir commencé mes pérégrinations dans le monde vers la quatrième année de mon existence.
Contrairement à ce qu’on pouvait penser, mon premier contact extérieur n’eut pas lieu avec l’environnement terrestre immédiat où je vivais : le mont Bleu du Chettaba et la vallée du Hamma arrosée par un Rhummel aux humeurs vagabondes, le premier voyage qu’il m’a été donné de faire, me transporta dans l’univers magique qui passait dans l’imaginaire de cette lointaine époque pour le domaine de la voyance extra-lucide.
Les portes de cet autre versant de la Création s’ouvrirent à moi, par une douce nuit d’été, sur la terrasse de notre maison familiale. Couché sur la dalle de sol en béton et bercé par la respiration des bois des alentours, je me sentis subitement soulevé par le tourbillon d’une ascension provoquée par on ne sait quel déclic qui me projeta vers les profondeurs de la voûte céleste.
L’esprit totalement dissocié du corps, je me suis retrouvé à compter les étoiles, et à mémoriser les connexions de leurs savants réseaux, sans connaître un seul de leurs noms.
Pour la première fois de ma vie, je découvris l’immensité et la splendeur du ciel nocturne à la manière d’une fourmi renversée sur le dos par le hasard d’un heureux coup de vent.
L’unique émotion qui m’étreignait à la gorge ressemblait plus à de l’ahurissement qu’à une sainte béatitude accordée par un Dieu que j’ignorais encore.
Les nuits qui suivirent, je remontais sur la terrasse et revivais le même envoûtement, embarqué dans ce vol cosmique auquel je goûtais comme au lait de ma mère, paralysé par cette beauté extensible à l’infini.
Seuls mes yeux pétillaient pour ne rien perdre de ce spectacle qui commençait avec l’apparition de l’étoile du berger et finissait dans le suicide collectif des dernières comètes d’avant l’aube.
À un âge moins innocent, cet épisode m’incita à entreprendre des investigations plus poussées qui m’apprirent, à ma grande déception, que la plupart de ces étoiles, objet de mes pâmoisons, étaient mortes depuis des millions d’années.
Ces équipées dans la Voie lactée dont je me suis gardé d’éventer le secret, de crainte de rompre l’enchantement qui m’ensorcelait, expliquent l’intérêt que m’inspirèrent, plus tard, les découvertes des grands ouvreurs de routes, astrophysiciens, navigateurs, géographes et historiens de l’Antiquité et des temps modernes.
Pour être plus près de la vérité, je dois avouer que ce qui pourrait s’apparenter à un instinct du voyage me fut légué par mes proches.
Mon grand-père paternel se rendit aux Lieux saints, à pied, à trois reprises, nous léguant l’aphorisme qui professait que « La Mecque était loin des mal-chaussés ».
Mon grand-père maternel, compta, quant à lui, parmi les précurseurs de la reconquête des circuits commerciaux que les colons avaient subtilisés aux Algériens par la force. Il se rendait régulièrement en Europe, surtout aux Pays-Bas où il écoulait la production de sa boyauderie et d’où il revenait, les malles grosses de curiosités excitantes pour un enfant qui savait à peine que le Nord et le Sud étaient séparés par une mer au nom compliqué.
Cette notion du lointain acquise à la proximité de mes aïeux s’enrichit de l’apport de mon père, un négociant en céréales qui sillonnait, avec son Hotchkis vert, les pays du Maghreb jusqu’aux confins du Sahel.
Il en ramenait à la saison des moissons et des cueillettes des cargaisons de blé, d’orge et de dattes qui, jetées en vrac au seuil de son entrepôt de l’Avenue du 11 Novembre, formaient des dunes sur lesquelles je m’amusai à surfer avec l’allégresse de l’innocence.
Je guettai, en particulier, ses retours d’Alger, tenu en haleine par l’attente de humer les senteurs d’amandes et de citron des gâteaux orientaux qu’il me faisait goûter, au petit déjeuner, au cours d’un cérémonial qu’il présidait, dans la position d’un maître prodigue en sortilèges raffinés.
Que dire alors des légendes des Mille et Une Nuit dont ma mère ouvrait le récital à chaque début d’hiver, près d’un feu chatoyant, ravie de l’éblouissement d’un fils conquis par les aventures de Chahrazade, de Chahrayar et de Sindbad qui peupleront ses rêves, l’instant d’après, une fois conclues sur une note de suspense calculée par leur narratrice surdouée !
Toutes ces histoires prirent une part considérable dans la formation de mon penchant pour l’évasion, une prédisposition qui emprunta une autre tournure, à mesure que j’émergeai de la petite enfance.
L’enchantement des débuts s’estompa, libéré de ses excroissances naïves, lorsque j’eus besoin de gérer, dans l’urgence, la brutale prise de conscience du fait colonial.
Le départ de mes frères aînés en France où ils décidèrent d’émigrer à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le premier dans le Nord-est, le deuxième du côté de l’Isère, contre l’avis de notre père qui les voyait plutôt étudiants à l’Université de la Zitouna et futurs Oustads de l’école libre, me fit l’effet d’un coup de tonnerre qui bouleversa complètement le prisme à travers lequel je percevais l’idée du voyage.
Je pris connaissance de leur nouvelle condition grâce aux correspondances qu’ils entretenaient avec notre père, lequel me les lisait toutes, peut-être avec l’arrière-pensée de me préserver du sort qui m’aurait été réservé, si jamais j’aurai été tenté de suivre leur exemple.
À ma sixième année, qui coïncida avec mon entrée à l’école Aristide Briand de la rue Ledru-Rollin, je fus autorisé à accompagner mon père dans sa tournée des fermes de Ouled Rahmoune, Aïn M’Lila, Teleghma, Oued Zenati, Aïn Beïda, Canrobert et St Arnaud, où il collectait auprès des petits paysans les récoltes de céréales qu’il destinait aux silos de Bab-El-Kantara.
À la sensation de liberté enivrante que ces sorties me procuraient se mêla un sentiment de profonde solidarité avec ces gens simples et fiers qui n’hésitaient pas à partager le peu qu’ils possédaient.
Mon investissement dans leurs combats pré et post-indépendance germa autour de leurs généreux couscous, fraichement roulés, qui nous rassemblaient le soir, au clair de la lune au milieu du chant des cigales et des mélopées des bardes chaouis.
Cela me changea de la ville et fit bouger les aiguilles de mon horloge plus vite qu’attendu.
Après mes dix ans, j’acquis suffisamment d’assurance pour m’en aller explorer avec les camarades de mon âge les territoires interdits : les grottes spéléologiques de Ghar Etoba, la piscine olympique de Sidi M’Cid, creusée à même le roc, et la mer dont on disait Constantine tristement orpheline ; une mer qu’on atteignait par le train du petit matin et qui nous déposait à Philippeville et Bône sur les plages de Stora, Jeanne d’Arc et Chapuis, l’antidote des étés torrides des Hautes Plaines de l’Est.
La connaissance virtuelle du monde extérieur global, je l’avais actée au débouché d’une scolarité studieuse, menée tambour battant sous la houlette de Mme Thouvain, une institutrice de gauche, férue de grande littérature, et de M. Djebbar, un des premiers normaliens algériens, adepte de la doctrine Freinet.
Les efforts conjugués aux leurs seront couronnés par un baccalauréat obtenu grâce à de solides connaissances sur la planète, ses continents, ses reliefs, son hydrographie, ses civilisations, ses économies et ses systèmes politiques et sociaux.
Bien avant l’école française, j’eus la chance de bénéficier de l’enseignement de Si Laïd, mon premier maître à l’école coranique, et de Si Abdelkrim, mon mentor de l’école libre d’arabe, qui m’initièrent aux subtilités de la langue du Coran et des œuvres de Taha Hussein et Tewfik al-Hakim, avec un art de la pédagogie d’une rare facture.
Les deux insistaient, je me rappelle, sur l’impératif qu’il y avait à faire, en permanence, la démonstration de la maîtrise des deux piliers de l’instruction : « l’intelligence et la mémoire », soutenaient-ils avec insistance.
L’emmagasinement de ce capital, pour aussi utile qu’il fût, dans son principe, n’en restait cependant pas moins limité à la seule érudition de « l’honnête homme » qu’on voulait faire de moi.
À ce stade, le plus important restait à accomplir : passer de la théorie à la pratique, et parvenir à confronter le réel au virtuel, sur le terrain de l’expérience empirique.
Après m’être occupé à parfaire ma formation à l’Université d’Alger, dès la première année de l’indépendance, et à me socialiser par une immersion très engagée dans le militantisme estudiantin et politique, marqué par l’exubérance d’une période, à nulle autre pareille, l’occasion de passer de l’autre côté de la barrière ne tarda pas à se présenter.
L’aventure de l’outre-horizon débuta quand je rejoignis la radiotélévision, où la providence me mit sur la route d’hommes et de femmes d’un tel talent intellectuel et artistique – une palette rutilant de mille feux – que je me dis que c’était, peut-être, l’endroit prédestiné où je devais, à mon tour, faire briller l’éclat d’une personnalité qui montrait le bout du nez, déclinable sur le mode de tous les possibles.
À l’heure du bilan qui sonna, des décennies plus tard, je n’eus pas à regretter ce choix qui me conduisit à tenter d’autres expériences, hors de ce cadre – à condition, comme on dit, d’en sortir – ce qui m’offrit l’opportunité de croiser tout ce que le pays et, au-delà, comptait de personnes de grande qualité, ce dont je n’ai pu que me féliciter, d’autant qu’il est très rare que le hasard puisse vous mettre, sur une aussi longue durée, au contact de la grande Histoire et, dans des conjonctures exceptionnelles, vous entraîner dans les spirales de son feu roulant, sans vous en rendre compte, sur le moment.
J’ai raconté certains de ces épisodes dans mes romans : La Brèche et le rempart, Les Miroirs aux Alouettes et Les abysses de la passion maudite.
À quelques exceptions près, et pour diverses considérations, je n’avais pas cru nécessaire de surcharger ces romans par la narration des voyages qui m’amenèrent à l’autre bout du monde, et qui me permirent de mesurer l’Histoire à l’aune d’autres paradigmes. Poussières d’itinérances renoue avec le fil de ces textes, et ressuscitent ce qu’il en reste pour les soustraire aux outrages de l’oubli, alors qu’ils constituent de précieux témoignages sur la vie et les cultures des peuples du monde, avec tout ce que cela implique comme interférences et influences sur les nôtres propres.
Les occulter aurait été dommageable pour le devoir de transmission.
Voici donc, relaté dans ce carnet de route, le concentré de tout ce que j’ai pu sauver et conserver de ces moments de vie intenses, sans autre prétention que de les partager pour ce qu’ils sont : des repères inusables du temps qui passe…
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