Les communistes et l’Algérie – Alain Ruscio

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Dans cet ouvrage, Alain Ruscio examine minutieusement le « parcours non linéaire » des relations entretenues par les communistes avec l’Algérie de 1920 à 1954, objet d’étude ayant donné matière à de nombreuses polémiques. Permettant de mieux saisir la genèse des malentendus et désaccords persistants entre nationalistes algériens et communistes français et afin de comprendre les contradictions d’un mouvement tour à tour allié objectif et ennemi juré des nationalistes algériens, ce spécialiste des questions coloniales nous invite à dissocier nettement les implications collectives et individuelles, l’avant-garde anticolonialiste ou les cercles dirigeants des Partis communistes français et algérien (PCF et PCA).

Loin de se limiter à l’examen des positions élaborées par les cercles dirigeants de ces deux partis, Alain Ruscio s’intéresse également aux opinions et aux actions des membres de la vaste « “famille communiste” franco-algérienne ». S’appuyant sur un large corpus archivistique, cette mise en lumière de multiples expériences permet de faire entendre les dissonances traversant, et, parfois, brisant, de la base au sommet, tout l’univers communiste, sur la question de l’Algérie.

 

« En somme, grâce au croisement systématique de sources variées – laissant au passage encore un espace pour des recherches basées sur une exploitation approfondie d’archives locales, notamment dans certains bastions communistes (…), cet ouvrage constitue indéniablement une des références d’une historiographie aspirant à renouveler l’étude des processus de colonisation et de décolonisation. » Fabien Bénézech

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Description

Résumé :

 

Dans cet ouvrage, Alain Ruscio examine minutieusement le « parcours non linéaire » des relations entretenues par les communistes avec l’Algérie de 1920 à 1954, objet d’étude ayant donné matière à de nombreuses polémiques. Permettant de mieux saisir la genèse des malentendus et désaccords persistants entre nationalistes algériens et communistes français et afin de comprendre les contradictions d’un mouvement tour à tour allié objectif et ennemi juré des nationalistes algériens, ce spécialiste des questions coloniales nous invite à dissocier nettement les implications collectives et individuelles, l’avant-garde anticolonialiste ou les cercles dirigeants des Partis communistes français et algérien (PCF et PCA).

Loin de se limiter à l’examen des positions élaborées par les cercles dirigeants de ces deux partis, Alain Ruscio s’intéresse également aux opinions et aux actions des membres de la vaste « “famille communiste” franco-algérienne ». S’appuyant sur un large corpus archivistique, cette mise en lumière de multiples expériences permet de faire entendre les dissonances traversant, et, parfois, brisant, de la base au sommet, tout l’univers communiste, sur la question de l’Algérie.

 

« En somme, grâce au croisement systématique de sources variées – laissant au passage encore un espace pour des recherches basées sur une exploitation approfondie d’archives locales, notamment dans certains bastions communistes (…), cet ouvrage constitue indéniablement une des références d’une historiographie aspirant à renouveler l’étude des processus de colonisation et de décolonisation. » Fabien Bénézech

 

 

Bio-express :

 

Docteur en histoire, Alain Ruscio a consacré l’essentiel de ses travaux à l’histoire coloniale. Il est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages, parmi lesquels La Guerre française d’Indochine, 1945-1954 (Complexe, 1992) et Le Credo de l’homme blanc. Regards coloniaux français, XIXe-XXe siècles (Complexe, 1996, 2002).

 

 

Extrait :

 

Introduction :

Communisme et Algérie : « Ni cet excès d’honneur ni cette indignité »

 

L’idée de ce livre est née un soir d’octobre 2011. J’assistais à la projection du remarquable film de Yasmina Adi, Ici, on noie les Algériens. Outre la manifestation parisienne du 17 octobre 1961 et sa terrible répression, le film décrit, avec un grand souci de la nuance, les réactions de la population française, de la complicité active avec les agresseurs à la solidarité agissante avec les agresses. Dans le débat qui a suivi, un dialogue de sourds a commencé. Au lieu de concentrer ses attaques contre les criminels responsables de ce drame – le préfet de police de Paris Maurice Papon, le Premier ministre Michel Debré et le président Charles de Gaulle –, un participant a immédiatement prononce un violent réquisitoire contre le PCF, considère comme complice du crime, au moins par ses silences. Il fut applaudi par une partie de la salle. D’autres présents, plus très jeunes, se sont recries : ils avaient, eux, garde le souvenir des toutes premières manifestations de rue contre la guerre – ou il n’y avait que des communistes –, des collages d’affiches et des nuits inconfortables dans les commissariats, des soirées interminables passées a tenter de convaincre des voisins, des amis ou les quelques personnes qui venaient dans des préaux d’école un peu tristounets pour des meetings de quartier, des gardes « musclées » des locaux en mai 1958 ou en avril 1961…

Des cris fusèrent. On entendit : « Et les pouvoirs spéciaux de 1956 ? Vous avez contribué a étendre cette guerre !

— Et Henri Alleg, il n’était pas communiste, peut-être ? Et Iveton ? Et nos morts de Charonne ?

— Vous n’avez jamais revendiqué l’indépendance de l’Algérie !

— Le PCF a été le seul grand parti politique a lutter contre cette guerre ! »

Et chacun repartit, barde des mêmes certitudes qu’en début de soirée, persuade d’avoir « mouche » celui qui était devenu l’adversaire, oubliant au passage le vrai, le système colonial, ses acteurs d’hier et ses thuriféraires d’aujourd’hui. Comme l’avait écrit un lointain ancêtre : la « recherche désintéressée » s’était, une fois de plus, transformée en « pugilat » (Karl Marx, 1875).

J’avoue que, ce soir-là, j’ai renoncé a prendre la parole. Par lassitude. Par sensation d’avoir déjà entendu cent fois ces arguments, dont ni les uns ni les autres ne me satisfaisaient. Par crainte d’apparaitre comme le donneur de leçons, l’historien de service qui « dit le vrai ». Et le « vrai », en cette matière – s’il peut être approche –, n’est pas a mi-chemin entre ce réquisitoire et ce plaidoyer, il est ailleurs, par définition le plus difficile a décrire. M’en voulant quelque peu de ce silence pas très courageux, je me suis dit après : il faut exposer la globalité du processus, mettre en situation, traquer les anachronismes, entrer dans les détails, souligner les nuances, proposer des pistes de réflexion. Pour cela, il m’a fallu quelques années de lectures et de relectures, de plongées dans les archives, d’entretiens avec les témoins encore de ce monde. Ce livre en est le résultat. Et j’espère que son lecteur, lui, acceptera de passer un peu plus de temps que dans un échange d’invectives. Car c’est un paradoxe de ces années 2000 et 2010 : alors que le mouvement communiste, dans le monde et en France, n’a plus depuis longtemps le rayonnement des années de son apogée, son histoire reste un objet de controverses a nul autre pareil.

Jean-Paul Sartre avait naguère, en trois phrases, règle définitivement la question : « L’histoire du PC, qui l’écrit du dehors, sur pièces, documents et témoignages, risque d’être gène par ses préjuges, il lui manque en tout cas une expérience irremplaçable. S’il en est sorti, la rancœur l’étouffe, sa plume trempe dans le fiel. Qui l’écrit du dedans, en accord avec les responsables, se fait historiographe officiel, ment ou élude selon les positions du jour2. » Désespérante assertion : comme personne ne peut échapper à l’une des trois catégories sartriennes, il faudrait renoncer a jamais – ou en tout cas tant qu’il y aura un objet PC – a élaborer une histoire sereine du mouvement communiste. Sartre avait-il raison ? Il faut admettre qu’il avait – et qu’il a encore en grande partie – pour l’essentiel les apparences pour lui…

Les écrits « du dehors » sont souvent des études de politologie privilégiant les sommets, les « secrets caches », les divergences donnant naissance aux « grandes affaires » (et ce parti en connut plus que de raison). Œuvres utiles, mais ne permettant pas de mesurer la nature réelle de l’ancrage sociétal communiste en France, exceptionnel a son apogée. Les travaux des « ex », récits autobiographiques ou études, prennent parfois des allures de confession amère (comment ai-je pu être si naïf ?) assortie de la dénonciation pure et simple d’un système ou d’un groupe d’hommes (comment ont-ils pu être si machiavéliques ?).

L’histoire du communisme, avons-nous dit, reste un objet de controverses a nul autre pareil. Cette constatation est vraie en général, avec ça et la des thèmes privilégies. La politique face a la question coloniale est l’un d’eux. Avec la période de la guerre d’Algérie, on confine au paroxysme. Nul mieux que le militant trotskiste Pierre Frank (1905‑1984), acteur et commentateur de la lutte antiguerre cote IVe Internationale, n’a mieux résume la logique qui présidait aux accusations de cette histoire-procès. Constat n°1 : les travailleurs ont peu manifeste leur solidarité internationaliste lors de cette guerre… Constat n°2 : or ils étaient fortement organises dans les rangs communistes et cégétistes… Conclusion : « C’est donc dans la politique de ces organisations qu’il faut en premier lieu rechercher les causes de l’insuffisance de soutien des travailleurs métropolitains aux peuples colonises en rébellion contre l’impérialisme. » Les mots importants, ici, sont « donc » et « en premier lieu ».

A l’oppose, l’écriture de sa propre histoire par le PCF a longtemps été une tache politique parmi d’autres, quitte a prendre des libertés avec les faits, a « oublier » des dates dérangeantes, a n’évoquer que les dirigeants du moment et à faire passer à la trappe les autres…

Longtemps, d’ailleurs, cette écriture était l’apanage de ces dirigeants, décidément omniscients. Deux générations de communistes ont eu comme première (et parfois seule) lecture d’histoire le livre Fils du peuple de Maurice Thorez (1900-1964)4. En 1964, un Manuel d’histoire coordonne par Jacques Duclos (1896‑19755), sans aspérités et passablement indigeste, résuma pour les militants ce qu’il fallait penser de l’histoire de leur parti. Et, lorsqu’un chercheur de profession était accepté par les politiques, il avait une fonction précise : « “Illustrer” et “justifier” la politique du parti par des exemples pris dans l’histoire », selon la formule de Jean Bruhat, qui longtemps accepta ce role, avant de passer par-dessus bord ce galimatias6. En 1973 encore, vingt ans après la mort de Staline, on pouvait lire dans une publication de l’Institut Maurice Thorez cette affirmation assez effrayante : « L’historien communiste […] possède plus qu’un autre la clé de l’histoire du parti. » Ce regard officiel s’est contente de prendre le simple contre-pied des écrits cites précédemment, soit en substance : « Nous avons eu raison, voici comment et voici pourquoi. » La ou ses adversaires ne voyaient qu’une succession de tournants, voire de reniements, cette historiographie ne voulait connaitre qu’une ligne droite, sans concessions ni compromis, du premier au dernier jour.

Paraphrasant Queneau, ses tenants auraient pu écrire : « Le parti, être formidable/a toujours et toujours raison8. » Ces types d’écritures de l’histoire aboutissaient d’ailleurs a une même pratique : un regard purement politique sur l’histoire, transformant cette discipline en une sorte de tribunal ou les procureurs dénonçaient et ou les avocats justifiaient. Or ce type de débats n’est pas satisfaisant. Il faut en sortir. Et si ces partis communistes de l’époque des luttes pour l’indépendance de l’Algérie, le français et l’algérien, n’avaient mérite « ni cet excès d’honneur ni cette indignité » ? Pour répondre a cette question, ce livre entend s’inscrire dans un courant déjà ancien de renouvellement de l’historiographie sur le fait communiste, dont les auteurs ne sont plus sommes de répondre d’emblée a l’interrogation : êtes-vous pour ou contre ? Le temps est a une histoire banalisée du communisme, et c’est heureux. Les lecteurs qui connaissent les travaux de l’auteur retrouveront donc ici la trace d’un plaidoyer deja ancien, formule dans l’introduction de sa thèse, Les Communistes français et l’Indochine, 19451954, soutenue en 1984 – en histoire comme en bien d’autres domaines de la vie, il vaut mieux se répéter que se contredire. Il faut définitivement considérer le communisme comme un objet d’histoire ordinaire auquel doivent être appliquées les mêmes méthodes qu’a tout autre. Ni plus ni moins : utiliser toutes les sources existantes, les confronter, dégager les tendances, les contretendances, les contradictions – mot aime des marxistes, qui ne l’ont pas toujours utilise a bon escient –, parvenir, étape après étape, a de premières conclusions, se consolidant ou non les unes les autres ; passer, tout au long du processus, des hypothèses aux probabilités, de celles-ci, quand c’est possible, aux certitudes. Et, d’abord, nous dit l’historien Rene Gallissot, « écarter tout interdit et toute inhibition : il n’y a pas de “secret de parti” pour l’historien, quelles que soient les lacunes de fait, faute d’informations ». Son collègue Jean Bouvier (1920‑1987), victime – et acteur malgré lui, comme tant d’autres  – de l’écriture stalinienne de l’histoire, écrivait vers la fin de sa vie : « Nous ne pouvons pas exiger de nous-mêmes l’impossible objectivité (faux mot, fausse perspective, faux probleme). Mais nous devons exiger de nous-mêmes la seule et très difficile honnêteté intellectuelle. » Vaste programme… Affirmer vouloir l’appliquer est sans doute un manque de modestie. On va pourtant, dans ces pages, essayer.

L’histoire du PCF et celle des communistes français sont des objets voisins, qui se recoupent, mais ne sont pas strictement juxtaposables. Dans cet essai, il sera plus directement question de l’analyse des appareils et des militants dits « orthodoxes » des partis communistes français et algérien. Mais nous citerons également ceux qui ont quitté ces partis, qui en ont été exclus ou qui y ont mené des activités oppositionnelles, d’Andre Ferrat a Amar Ouzegane, de Jean-Pierre Vernant a Helene Cuenat. C’est la « famille communiste » franco-algérienne, dans l’acception la plus large de cette expression, qui est l’objet de cette étude. Les positions et les attitudes des communistes des deux rives de la Méditerranée, bien que n’ayant jamais été séparées par une paroi infranchissable, méritent cependant des développements distincts. Il sera donc fait dans cet ouvrage un va-et-vient permanent entre ces deux rives. Seront également citées et analysées les « organisations de masse », selon le vocabulaire un peu lourdaud longtemps hégémonique dans ces milieux. Une jeune historienne, Axelle Brodiez, a proposé une expression plus heureuse : le « dispositif périphérique ». Il s’agit des associations et mouvements plus ou moins contrôles par des militants communistes (CGTU b puis CGT, Mouvement de la paix, Secours rouge puis Secours populaire, etc.). Phénomène identique en Algérie, en y ajoutant le cas particulier du quotidien Alger républicain.

C’est l’ensemble de ces constats historiographiques et méthodologiques qui a commandé l’organisation de ce livre, dont l’objet premier est de permettre de mieux comprendre ce que furent les positions des communistes des deux rives de la Méditerranée tout au long de la guerre d’indépendance déclenchée par les nationalistes algériens en novembre 1954. Les chapitres de la première partie, ouverte par un aperçu sociologique de l’opinion publique française face à la « question coloniale », synthétisent aussi précisément que possible les étapes de l’histoire complexe de la relation des communistes français a cette « question coloniale » en général et, d’abord, a celle de la colonisation de l’Algérie. Tandis que les quinze chapitres de la deuxième et de la troisieme parties entendent documenter avec précision ce que furent les engagements et les errements du PCF et du PCA de 1954 à 1962.

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